<< Retour aux articles
Image

Indemnisation sous forme d’allègement de cotisations salariales : qui en est le bénéficiaire ?

Public - Droit public des affaires
Affaires - Droit économique
21/10/2020
Dans le cadre d’une demande en interprétation d’une décision de la Commission, la CJUE constate l’invalidité de cette décision en rappelant les fondamentaux en ce qui concerne la qualification d’aide d’État : l’octroi d’un avantage au bénéficiaire.
Après le naufrage de l’Erika qui avait provoqué une grave pollution par hydrocarbures et les violentes tempêtes de décembre 1999, la France avait accordé des indemnisations aux pêcheurs et aquaculteurs de l’Ouest de la France qui se concrétisaient par un allègement de 50 % des cotisations sociales, à la fois patronales et salariales. La Commission européenne les avait ensuite qualifiées d’aides d’État incompatibles avec le marché intérieur et avait ordonné leur récupération par une décision du 14 juillet 2004 qui n’avait pas été contestée.

Néanmoins, ne s’étant pas exécutée, la France fut condamnée en manquement par la CJUE en 2011 et émit un titre de perception à l’encontre de la Compagnie des pêches de Saint-Malo afin de recouvrer le montant de l’allègement des cotisations salariales. La Compagnie a alors contesté ce titre de perception devant les juridictions administratives françaises et le Conseil d’État a saisi la CJUE d’un renvoi préjudiciel. Il lui demandait si la décision de la Commission devait être interprétée comme déclarant incompatibles avec le marché intérieur les seuls allègements de cotisations patronales ou les allègements de cotisations patronales et salariales et si, dans ce dernier cas, la France devait exiger le remboursement aux salariés de l’allègement de cotisation dont ils avaient bénéficié.

Aussi, au lieu de répondre directement sur l’interprétation à retenir de la décision de la Commission, la CJUE relève qu’une question de validité de cette décision était soulevée de façon implicite, puisque le Conseil d’État questionnait la qualification d’aide d’État des allègements de cotisations salariales. Cette saisine d’office de la CJUE sur la question de la validité de la décision litigieuse n’était toutefois possible que si une demande d’annulation de la part de la Compagnie des pêches de Saint-Malo n’avait pas été recevable. Il se trouve qu’en 2004, alors que le titre de perception n’avait pas encore été émis, son intérêt à agir aurait pu être contesté.

En conséquence, en s’arrêtant sur la qualification d’aide d’État du dispositif d’indemnisation mis en place en faveur des pêcheurs et aquaculteurs, la CJUE rappelle l’article 107, § 1, TFUE et la nécessité d’un avantage octroyé au bénéficiaire. Elle relève ensuite que les cotisations salariales ne sont que précomptées par les entreprises. Sans pouvoir démontrer un avantage octroyé à l’entreprise bénéficiaire, l’aide d’État ne peut être qualifiée. Elle en conclut que les entreprises étaient ici des intermédiaires entre l’État et les salariés, bénéficiaires effectifs des allègements de cotisations salariales. Elle en déduit une erreur de droit de la part de la Commission justifiant l’invalidité de sa décision du 14 juillet 2004.
 
Pour aller plus loin :
Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle privé, voir Le Lamy Droit économiquen° 2210 et suivants.
Pour des développements détaillés en matière d’aides d’État sous l’angle public, voir Le Lamy Droit public des affairesn° 775 et suivants.
Source : Actualités du droit