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La semaine du droit des entreprises en difficulté

Affaires - Commercial
20/07/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit des entreprises en difficulté, la semaine du 13 juillet 2020.
Procédure d'insolvabilité – reconnaissance dans les Etats membres – transfert de propriété
« Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 3 janvier 2017), la « County Court » de Luton (Royaume-Uni) a, le 8 juin 2010, prononcé la mise en faillite personnelle de M. X. Le 18 juin suivant, cette même juridiction a désigné M. Y, en qualité de liquidateur du patrimoine de M. X, à compter du 23 juin 2010.
Le 7 juin 2013, M. Y, ès qualités, a assigné M. X et Mme Z devant le tribunal de grande instance de Bonneville, pour voir ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre eux sur un immeuble situé sur le territoire français.

L'article 16 du règlement (CE) n° 1346-2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité pose le principe de la reconnaissance dans tous les autres Etats membres de toute décision ouvrant une procédure d'insolvabilité prise par une juridiction d'un Etat membre compétente en vertu de l'article 3.
Il résulte de l'article 18, § 1, que, en dehors d'hypothèses étrangères à l'espèce, le syndic désigné par une juridiction compétente en vertu de l'article 3, § 1, peut exercer sur le territoire d'un autre Etat membre tous les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi de l'Etat d'ouverture. L'article 18, § 3, dispose que, dans l'exercice de ses pouvoirs, le syndic doit respecter la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel il entend agir, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens, et que ses pouvoirs ne peuvent inclure l'emploi de moyens contraignants.
En premier lieu, la cour d'appel, après avoir constaté que l'ordonnance de faillite du 8 juin 2010 était une décision d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité principale, en a exactement déduit qu'elle produisait, sans aucune autre formalité dans tout Etat membre, les effets que lui attribuait la loi de l'Etat d'ouverture et en particulier le transfert au syndic de la propriété des biens de M. X, incluant sa quote-part indivise de l'immeuble situé en France, lui permettant d'exercer sur le territoire de cet Etat tous les pouvoirs qui lui sont conférés par ce transfert de propriété et en conséquence celui d'agir en partage de l'indivision.
En second lieu, l'arrêt retient que M. Y, devenu propriétaire des biens de M. X, est coïndivisaire de l'immeuble avec Mme Z et qu'il agit en conséquence sur le fondement de l'article 815 du Code civil et non sur celui de l'article 815-17 du même Code. Ce faisant, la cour d'appel, reconnaissant les effets de la procédure d'insolvabilité attribués par la loi anglaise sur la propriété des biens du débiteur, a fait application de la loi de situation de l'immeuble pour déterminer le fondement et le régime de l'action engagée devant les juridictions françaises. C'est donc à tort que le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, postule que la cour d'appel aurait appliqué la loi anglaise sans exiger du syndic qu'il respecte la loi française, dans l'exercice de ses pouvoirs, en particulier quant aux modalités de réalisation des biens et sans inclure l'emploi de moyens contraignants.
Par conséquent, le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

L'article 26 du règlement (CE) n° 1346-2000 du 29 mai 2000 permet à tout Etat membre de refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre Etat membre ou d'exécuter une décision prise dans le cadre d'une telle procédure lorsque cette reconnaissance ou cette exécution produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa constitution. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que ce recours à la clause d'ordre public ne devait jouer que dans des cas exceptionnels (CJUE, 1re chambre, 21 janvier 2010, aff. C-444/07, Mg Probud Gdynia sp. z o.o., point 34).
La règle du transfert au syndic de la propriété des biens du débiteur, personne physique, mis en liquidation judiciaire, résultant de la loi anglaise, ne produit pas des effets manifestement contraires à la conception française de l'ordre public international. La cour d'appel, qui a reconnu le droit d'agir de M. Y en partage de l'indivision entre M. X et Mme Z sur un bien situé sur le territoire français comme étant une conséquence de la reconnaissance de l'ouverture en Angleterre de la procédure d'insolvabilité de M. X, a fait l'exacte application des textes visés par le moyen. Par conséquent, le moyen n'est pas fondé 
».
Cass. com., 16 juill. 2020, n° 17-16.200, P+B+R *


*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 20 août 2020.
 

 
Source : Actualités du droit