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Article 334 du Code des douanes : conditions du recueil des déclarations par les agents

Transport - Douane
05/04/2024
La chambre mixte de la Cour de cassation tranche une divergence d’interprétation entre les chambres criminelle et commerciale s’agissant du pouvoir des douaniers dans le cadre de l’article 334 du Code des douanes : dans un arrêt du 29 mars 2024, elle retient que cet article permet aux douaniers, quand ils n'agissent pas en qualité d'agents de la douane judiciaire, « de recueillir des personnes concernées par leurs contrôle et enquête, en dehors de toute mesure de contrainte et dans le respect du principe des droits de la défense, les renseignements et déclarations, spontanées ou en réponse aux questions posées, en lien avec l'objet de leurs contrôle et enquête ».
En janvier 2021, la cour d'appel de Paris avait retenu, avant l’entrée en vigueur de l’article 67 F du Code des douanes sur l’audition libre, que l’interrogatoire par des douaniers qui s’est déroulé sans aucune contrainte, « dès lors que les personnes entendues, sans être personnellement mises en cause, ont accepté de répondre », respecte le droit à un procès équitable (CA Paris, 18 janv. 2021, nº 19/06022, Adisseo France c/ Le Ministre des finances et des comptes publics au nom de l'administration des Douanes et a. ; voir
Interrogatoire/audition avant l’article 67 F du Code des douanes : quelle contrainte ? Actualités du droit, 26 janv. 2021). La cour d’appel se fondait en particulier sur l’article 334 du Code des douanes qui prévoit notamment que les résultats des contrôles opérés dans les conditions prévues à l’article 65 du même code (relatif au droit de communication) et, « d'une manière générale, ceux des enquêtes et interrogatoires effectués par les agents des douanes sont consignés dans les procès-verbaux de constat », et que ces PV « énoncent la date et le lieu des contrôles et des enquêtes effectués, la nature des constatations faites et des renseignements recueillis, la saisie des documents, s'il y a lieu (...) ».
 
L’opérateur concerné a formé un pourvoi en cassation contre cette décision sur ce point, au motif selon lui que l’article 334 ne conférait pas aux douaniers le pouvoir de mener des interrogatoires (à moins d’agir « en tant que douane judiciaire »). Il confortait son raisonnement en déduisant de la création, par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014, de l’article 67 F du Code des douanes relatif à l’audition libre que les agents ne disposaient pas auparavant de ce pouvoir. Son pourvoi a donné lieu à un renvoi en chambre mixte (par Cass. com., 23 juin 2023, n° 21-13.403).
 
Divergence d’interprétation sur l’article 334
 
Pour la chambre mixte, « la question posée par le pourvoi est celle de savoir si et à quelles conditions les agents des douanes, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité d'agents de la douane judiciaire sur le fondement de l’article 28-1 du code de procédure pénale, tiennent des dispositions de l’article 334 du code des douanes, le pouvoir de procéder à l'audition des personnes concernées et de recueillir les déclarations de celles-ci, faites spontanément ou en réponse aux questions posées par eux, en rapport avec l'objet de leurs contrôle et enquête ».
 
Or, constate la chambre mixte :
- d’une part, la chambre criminelle estime depuis un arrêt du 9 novembre 2022 que l’article 334 précité ne concerne que la forme sous laquelle doivent être consignés les résultats des contrôles et enquêtes menés et en déduit que, lorsque les agents exercent le droit de communication de l’article 65 du Code des douanes, ces douaniers ne peuvent recueillir que des déclarations spontanées relatives aux éléments communiqués (Cass. crim., 9 nov. 2022, nº 21-85.747, B, point 24 ; voir Pouvoir général d’audition des douaniers, contradictoire, autorité de la chose jugée, application dans le temps, abus de droit, intéressé à la fraude : précisions et rappels, Actualités du droit, 16 nov. 2022), alors qu’elle considérait auparavant que les agents tenaient de l’article 334 le droit de procéder à des enquêtes, pour les besoins desquelles ils pouvaient effectuer des auditions ;
- et d’autre part, la chambre commerciale considère que l'article 334 confère aux agents la faculté de mener des auditions en rapport avec l'objet de leurs contrôle et enquête (Cass. com., 8 nov. 2017, n° 14-15.569). 
 
« Effet utile » des textes et droits de la défense
 
Pour la chambre mixte, qui rappelle le contenu de l’article 334 et du 2 de l’article 336 (selon lequel les procès-verbaux de constat « ne font foi que jusqu'à preuve du contraire de l'exactitude et de la sincérité des aveux et déclarations qu'ils rapportent »), « l’effet utile de ces textes commande que les agents des douanes puissent, pour l'efficacité des contrôles et enquêtes, procéder à des auditions en lien avec l'objet de ceux-ci, sous réserve qu'ils n'exercent pas un pouvoir de contrainte ». Toutefois, elle ajoute que « sous le contrôle du juge compétent, les droits de la défense doivent être respectés ».
 
Aussi, pour cette chambre mixte, il en résulte que les douaniers, « lorsqu'ils n'agissent pas en qualité d'agents de la douane judiciaire, tiennent des dispositions de l'article 334 la faculté de recueillir des personnes concernées par leurs contrôle et enquête, en dehors de toute mesure de contrainte et dans le respect du principe des droits de la défense, les renseignements et déclarations, spontanées ou en réponse aux questions posées, en lien avec l'objet de leurs contrôle et enquête ». Et en l’espèce, ce principe était respecté puisque, selon l’arrêt d’appel : les auditions critiquées ont été réalisées sans exercice d'une quelconque contrainte sur les personnes entendues qui ont accepté de répondre ; les réponses apportées aux questions posées par les agents ont été consignées dans les procès-verbaux de constat, sans observation des intéressés après leur relecture et signature ; le lien des auditions avec l'objet du contrôle n'était pas contesté.
 
La chambre mixte rend sa décision « indépendamment de l'adoption de la loi du 27 mai 2014 » et écarte l’argument de l’opérateur selon lequel, antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi n° 2014-535 introduisant l’article 67 F, les auditions réalisées par les douaniers en lien avec l'objet de leurs contrôle et enquête étaient prohibées.
 
Source : Actualités du droit