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« Brèves douanières » au 19 mars 2024 : jurisprudences

Transport - Douane
20/03/2024
Les décisions de justice « en bref » non traitées par ailleurs « dans ces colonnes » et diffusées depuis le 16 février 2024.
Livraison intracommunautaire et exonération de TVA : précision de la CJUE
 
Pour la CJUE, l’article 138, § 1, de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doit être interprété en ce sens qu’« il y a lieu de refuser l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée d’un fournisseur établi dans un État membre, ayant livré des marchandises à destination d’un autre État membre, lorsque ce fournisseur n’a pas démontré que les marchandises avaient été livrées à un destinataire ayant la qualité d’assujetti dans ce dernier État membre et que, compte tenu des circonstances factuelles et des éléments fournis par le fournisseur, les données nécessaires pour vérifier que ce destinataire avait cette qualité font défaut ». Cette formulation peut donc être lue a contrario comme autorisant l’exonération de TVA lorsque, comme en l’espèce a priori, la livraison avait eu lieu vers un destinataire qui n’était certes pas celui figurant sur les documents fiscaux, mais un destinataire qui avait toutefois la qualité d’assujetti à la TVA dans l’État membre de destination, pour autant que l’administration fiscale de l’État membre de départ dispose des données nécessaires pour vérifier que la personne à laquelle les biens ont été physiquement livrés avait la qualité d’assujetti agissant en tant que tel dans l’État membre d’arrivée, au regard des éléments de fait et des informations présentés par le fournisseur (CJUE, 29 févr. 2024, n° C‑676/22, B2 Energy s.r.o. c/ Odvolací finanční ředitelství).
 
 
Classement d’article composite : cas d’inapplicabilité de la règle n° 3 b) et rappel
 
Selon la règle générale pour l'interprétation (RGI) de la nomenclature combinée nº 3, sous b) les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l'assemblage d'articles différents et les marchandises présentées en assortiment conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la règle 3, sous a), sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination. La CJUE a déjà retenu sur ce point qu'il est nécessaire d'établir quelle est, parmi les matières qui le composent, celle qui lui donne son caractère essentiel, celui-ci pouvant ressortir « de la nature de la matière constitutive ou des articles qui le composent, de leur volume, de leur quantité, de leur poids, de leur valeur ou de l'importance de l'une des matières constitutives en vue de l'utilisation de ces produits » (CJUE, 3 juin 2021, n° C-76/20, « BalevBio » EOOD c/ Teritorialna direktsia Severna morska, Agentsia « Mitnitsi » ; voir « Classement des marchandises : éléments à prendre en considération pour la règle no 3 b) » dans « Brèves douanières » au 1er février 2023, Actualités du droit, 3 févr. 2023). À propos du classement de dispositifs de fixation destinés à assembler de manière étanche un réservoir de chasse d'eau sur une cuvette de toilettes, la Cour de cassation qui cite l’arrêt ci-dessus retient toutefois qu’« Après avoir souverainement retenu que la marchandise en cause était autant destinée à assembler le réservoir à la cuvette par ses pièces métalliques qu'à assurer son étanchéité par ses pièces en plastique, la cour d'appel (...) en a exactement déduit que le critère de classement selon la matière ou l'article qui lui confère son caractère essentiel n'est pas applicable », la règle nº 3, sous b) ne pouvant donc pas s’appliquer en l'espèce (Cass. com., 13 mars 2024, nº 22-20.440, confirmant CA Rouen, 9 juin 2022, nº 21/01102, Direction Régionale des Douanes et Droits Indirects c/ Wirquin).
 
Sur ce sujet, voir 320-28 Commentaire de la règle no 3 b) – Éléments à prendre en considération dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Origine, statut douanier et droits de douane : précisions du juge
 
À propos de véhicules de l’UE exportés en Serbie et réimportés dans l’UE avec un certificat de circulation EUR. 1, le tribunal judiciaire de Lyon retient que les droits sont dus lors de cette réimportation, les marchandises ayant perdu leur statut douanier de l’UE : pour ce juge, « L'administration des douanes a donc adopté une juste lecture des textes visés [CDC et accord UE-Serbie] en retenant bien l'acquisition par les marchandises litigieuses d'une origine préférentielle " UE " sur les certificats EUR 1 mais en concluant à l'absence de régime préférentiel, entrainant une préférence tarifaire, pour ces mêmes marchandises à l'importation dans l'UE, contrairement aux produits exclusivement originaires de Serbie ou originaires de la Communauté et importés en Serbie » ; et « Par conséquent, ces véhicules ne peuvent bénéficier du régime préférentiel et d'une exonération des [Ndlr : droits de] douane sur ce fondement » (TJ Lyon, 10 janv. 2024, nº 18/12419, [E] AUTOMOBILES c/ Monsieur le Directeur régional des douanes et a.). Notons que cette décision va à l’encontre d’une autre retenue en juillet 2023 : CA Nancy, 3 juill. 2023, nº 22/01406, Administration des douanes et a. c/ Olniro, voir « Origine, statut et droits de douane : confusion », dans « Brèves douanières » au 29 septembre 2023 : la jurisprudence, Actualités du droit, 3 oct. 2023.
 
Sur ce sujet, voir 340-4 Origine et statut douanier dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Remboursement d’office des droits : question préjudicielle quant aux conditions
 
Le § 2 de l’article 236 de l’ex-CDC disposait notamment que « Le remboursement ou la remise des droits à l'importation ou des droits à l'exportation est accordé sur demande déposée auprès du bureau de douane concerné avant l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la communication desdits droits au débiteur » (al. 1) et que « Les autorités douanières procèdent d'office au remboursement ou à la remise lorsqu'elles constatent d'elles-mêmes, pendant ce délai, l'existence de l'une ou l'autre des situations décrites au paragraphe 1 premier et deuxième alinéa » (al. 3). La cour d’appel de Toulouse pour rejeter un remboursement d’office a retenu que la Douane faisait valoir à juste titre que la Commission européenne considérait que cette administration devait « disposer, pour procéder au remboursement d'office, de tous les éléments nécessaires à la détermination du montant des droits pouvant être remboursés et à l'identité de chaque redevable, sans avoir à effectuer des recherches disproportionnées » (CA Toulouse, 10 févr. 2020, nº 17/03824, Y et a. c/ Ministère de l'Économie, des Finances et du Budget et a. exposée sur un autre point dans Remboursement des droits de douane : force majeure écartée pour la prorogation du délai de demande, Actualités du droit, 4 mars 2020). Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation par l’opérateur qui estime notamment que la cour d’appel a ajouté dans sa formule reproduite ci-dessus des conditions au texte précité. La Cour de cassation s’interroge sur le sens à retenir et pose deux questions préjudicielles à la CJUE : d’une part, ledit alinéa 3 doit-il être interprété en ce sens que le remboursement d'office des droits de douane perçus par une autorité douanière est enfermé dans un délai de trois ans à compter de la date de la prise en compte desdits droits par l'autorité chargée du recouvrement ou que l'administration des douanes doit être en mesure de constater, dans les trois ans suivant le fait générateur des droits, que les droits n'étaient pas dus ? d’autre part, cet alinéa 3 doit-il être interprété en ce sens que le remboursement d'office des droits de douane perçus par une autorité douanière est subordonné à la connaissance, par cette dernière, de l'identité des opérateurs concernés ainsi que des montants à rembourser à chacun d'eux sans qu'elle ait à réaliser des recherches approfondies ou disproportionnées ? (Cass. com., 13 mars 2024, nº 20-20.817).
 
Sur ce sujet, voir 460-12 Remboursement ou remise des droits d'office dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Exonération de TVA à l’exportation : moyen de preuve écartée
 
Parce qu’une société « se borne à indiquer, sans en apporter la preuve, qu'elle a sollicité sans succès les services douaniers afin d'obtenir des certificats justificatifs » d’exportation, l’exonération de TVA est rejetée par le juge. Celui-ci ajoute d’ailleurs qu'il résulte de l’article L. 102 B du LPF que la société requérante étant tenue de conserver les pièces justificatives relatives aux opérations en litige pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis, elle n'est pas fondée à demander qu'il soit enjoint au directeur régional des finances publiques de solliciter ces documents auprès de la DGDDI (TA Paris, 1re ch., 14 févr. 2024, nº 2202850).
 
 
Régime de retours : « négligence manifeste » écartée
 
Pour mémoire, le régime des retours pouvait être sollicité avec un effet rétroactif sur le fondement de l'article 212 bis de l’ex-CDC, lorsque le comportement de l'intéressé n'impliquait ni manœuvre frauduleuse, ni négligence manifeste et qu'il apportait la preuve que les autres conditions d'application de ce régime étaient remplies. Face à un opérateur souhaitant bénéficier du régime précité, la Douane lui oppose qu’il a commis une « négligence manifeste ». En revanche, pour le juge, contrairement à ce qu'affirme cette administration, « la "simple" consultation des informations réglementaires disponibles ne pouvait pas faire clairement apparaître, de par la multiplicité des sources et de leur complexité, qu'aucune exonération de droits ne pouvait intervenir » pour des véhicules exportés de l’UE vers la Serbie et réimportés dans l’UE : « la procédure en cause ne pouvait donc être qualifiée ni de simple ni d'évidente pour l'ensemble des parties », d'autant plus pour l’opérateur « non spécialisé en importations de marchandises », qui, pour se prémunir de toute difficulté, avait d'ailleurs fait appel à un commissionnaire en douane « dont les compétences devaient en principe lui permettre de gérer l'aspect juridique et pratique (...) de ce type d'opérations » ; en outre, alors que plus de 44 séries d'importations ont été réalisées, la Douane n'a jamais interpellé le commissionnaire sur une quelconque difficulté, le contrôle douanier n'intervenant que deux ans après la dernière opération de dédouanement (TJ Lyon, 10 janv. 2024, nº 18/12419, [E] AUTOMOBILES c/ Monsieur le Directeur régional des douanes et a.).
 
Sur ce sujet, voir 630-20 Demande a posteriori de l'exonération des marchandises en retour dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
DEE dans le CDU : divergence d’interprétation déjà motivée
 
Jugé que « la divergence d'interprétation des textes » entre la Douane et un opérateur « ne saurait contraindre l'administration à devoir reprendre point par point les arguments soulevés » par lui « alors qu'elle a déjà motivé son raisonnement et les conséquences qu'elle en tirait », aucune violation du principe du contradictoire n’existant donc (TJ Lyon, 10 janv. 2024, nº 18/12419, [E] AUTOMOBILES c/ Monsieur le Directeur régional des douanes et a.).
 
Sur ce sujet, voir 1005-30 Principes du DEE dans le CDU dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Droit de communication : agent chargé du recouvrement et secret bancaire
 
Jugé que, le droit de communication de l’article 65 du Code des douanes « étant expressément étendu, aux termes de l'article 65 bis [Ndlr : du même code], "au profit des agents des douanes chargés du recouvrement de toutes sommes perçues selon les modalités prescrites par le présent code et aux conditions mentionnées à ces mêmes articles" », il résulte de ces dispositions spécifiques :
  • d'une part que la Douane, dans le cadre du recouvrement des amendes douanières auprès d’une personne, était fondée à obtenir des documents concernant sa concubine pour les besoins du recouvrement des sommes dues par celle-là en vertu du jugement du tribunal correctionnel ;
  • et d'autre part que « le secret bancaire ne peut faire échec au droit de communication de l'administration des douanes » (rappelant Cass. crim., 3 mai 2001, n° 00-81.691, Bull. crim., n° 107).
Aussi, les pièces obtenues et produites dans ce cadre par l’administration n’ont pas à être écartées (CA Aix-en-Provence, 15 févr. 2024, nº 20/00558, X c/ Administration des douanes et droits indirects).
 
 
Droit de visite (ancien art. 60) : violation invoquée par un tiers (non)
 
Jugé que la violation, qui résiderait dans la méconnaissance des pouvoirs conférés aux agents des douanes par l’article 60 ancien du Code des douanes, « tend à protéger des droits propres aux seules personnes contrôlées, que des tiers n'ont pas qualité à invoquer » (Cass. crim., 7 févr. 2024, nº 22-82.261).
 
 
Droit de visite domiciliaire : caractère massif des saisies et volume
 
Jugé, sur le fondement de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales (et la solution est donc valable par analogie avec l’article 64 du Code des douanes concernant le droit de visite domiciliaire douanière) et s’agissant d’une saisie portant sur des supports informatiques et non informatiques, qu’« Il est de jurisprudence constante que le caractère massif des saisies n'est pas établi par le seul volume des saisies et que des saisies portant sur un nombre important de documents sont autorisées dès lors qu'un contrôle concret des pièces litigieuses saisies et identifiées puisse être effectué par le magistrat délégué par le Premier président, d'où la nécessité de les produire aux débats et d'expliquer pour chacune d'entre elles les motifs de la contestation de leur saisie » (CA Paris, 31 janv. 2024, nº 23/03443, Esupply B.V. et a. c/ Direction nationale des enquêtes fiscales).
 
 
Prescription des amendes et confiscation douanières : interruption
 
Le 5° de l’article 382 du Code des douanes dispose que les amendes et confiscations douanières, quel que soit le tribunal qui les a prononcées, se prescrivent dans les mêmes délais que les peines correctionnelles de droit commun et dans les mêmes conditions que les dommages-intérêts. Jugé sur le fondement de ce 5° (CA Aix-en-Provence, 15 févr. 2024, nº 20/00558, X c/ Administration des douanes et droits indirects) :
  • que la prescription peut être interrompue conformément aux dispositions des articles 2240 à 2244 du Code civil ;
  • que l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution (listant les titres exécutoires) « est inapplicable en présence d'un texte spécial pour les jugements rendus en matière de douane » ;
  • qu’en application de l’article 133-3 du Code pénal le délai de prescription commence à courir à compter du jour où le jugement est devenu définitif ;
  •  que la Douane justifie d'un premier commandement de payer (avant la fin du délai de prescription) délivré au vu du titre exécutoire constitué par la décision du tribunal correctionnel devenu définitif, lequel, en application de l'ancien article 2244 du Code civil alors applicable, a eu pour effet d'interrompre le délai, un nouveau délai recommençant à courir à compter de cette date ;
  • qu’il résulte des courriers (postérieurs au jour où le jugement est devenu définitif et antérieurs la fin du délai de prescription) du conseil de la personne concernée une reconnaissance expresse de la dette envers la Douane, cette reconnaissance non équivoque ayant eu également pour effet d'interrompre le délai de prescription ;
  • et que la Douane justifie de la délivrance d'avis à tiers détenteurs (ATD), tous régulièrement notifiés à la personne concernée, qui ont régulièrement interrompu la prescription, le dernier ATD en date ayant valablement interrompu la prescription, un nouveau délai recommençant à courir à compter de cette date.
Sur ce sujet, voir 1015-92 Extinction des peines douanières dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Intérêts de retard : AMR douanier annulé et remplacé et défaut d’information
 
L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 septembre 2022 (nº 21/08850, Directeur général des douanes et droits indirects c/ SARP industries) exposé dans ces colonnes (voir Intérêts de retard : AMR douanier annulé et remplacé et défaut d’information, Actualités du droit, 14 sept. 2022) a fait l’objet d’un pourvoi de la Douane que la Cour de cassation rejette estimant que le moyen de cassation invoqué à l'encontre de cette décision « n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation » (Cass. com., 13 mars 2024, nº 22-22.569).
 
Sur ce sujet, voir n° 1020-74 AMR et intérêts de retard dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Prescription de la dette douanière : interruption par PV et acte passible de poursuites judiciaires répressives (rappels)
 
Un opérateur relève que le CDU (art. 103) n'autorise les États membres, concernant la dette douanière née d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives, qu'à choisir entre un délai de prescription compris entre cinq et dix ans, et que le législateur français a outrepassé cette compétence en ajoutant que le délai de cinq ans pouvait être interrompu par la notification d'un procès-verbal de douanes, portant ainsi la prescription jusqu'à dix ans. Il estime donc que le juge doit envisager de poser une question préjudicielle à la CJUE sur ce point. Au contraire, le tribunal judiciaire de Lyon considère qu’il n’y a pas lieu de poser « une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne qui a déjà tranché cette problématique ». Ce TJ retient en effet qu’« Il est constant que la Cour de justice de l'Union européenne considère que l’article 221 du Code des douanes communautaire, en ne prévoyant lui-même aucun délai de prescription, pas plus que les motifs de suspension ou d'interruption de la prescription applicable, se référant exclusivement aux "conditions prévues par les dispositions en vigueur", renvoie nécessairement au droit national, pour le régime de la prescription de la dette douanière, lorsque celle-ci résulte d'un acte qui était passible de poursuites judiciaires répressives. Elle en déduit donc qu'il appartient à chaque État membre de déterminer le régime de la prescription des dettes douanières qui n'ont pas pu être constatées en raison d'un fait passible de poursuites judiciaires répressives ».
 
L’opérateur avance encore qu’aucun acte passible de poursuites judiciaires répressives n'a été constaté dans les procès-verbaux de l'administration, celle-ci se contentant d'invoquer de « fausse déclaration d'origine », sans engager d'action en répression à son égard et que, par conséquent, à défaut de ces actions qui auraient interrompu le cours de la prescription, celle-ci est acquise. Là encore le tribunal judiciaire écarte l’argument en se fondant sur la jurisprudence de la CJUE qui « a également retenu que la qualification " d'acte passible de poursuites judiciaires répressives " n'exige pas que des poursuites judiciaires répressives soient effectivement engagées par les autorités pénales d'un État membre et aboutissent d'autant plus à une condamnation des auteurs de celui-ci » : aussi, en droit français tout manquement quelconque à la réglementation que la Douane est chargée d'appliquer étant passible de poursuites judiciaires répressives, il ne peut être reproché à cette administration de ne pas avoir introduit d'action en répression à son égard ; si la Douane n'a pas engagé de poursuites, elle a en l’espèce « néanmoins bien relevé que le fait de ne pas déclarer l'origine réelle des véhicules importés constitue une "fausse déclaration d'origine" constitutive d'une infraction douanière », interrompant donc la prescription (TJ Lyon, 10 janv. 2024, nº 18/12419, [E] AUTOMOBILES c/ Monsieur le Directeur régional des douanes et a.).
 
Remarques
Le tribunal judiciaire se fonderait vraisemblablement sur les décisions suivantes : pour le premier § ci-dessus, CJUE, 17 juin 2010, nº C-75/09, Agra Srl c/ Agenzia Dogane – Ufficio delle Dogane di Alessandria ; pour le second § ci-dessus, CJUE, 18 déc. 2007, nº C-62/06, Fazenda Pública – Director Geral das Alfândegas c/ ZF Zefeser – Importação e Exportação de Produtos Alimentares Lda. Ces deux arrêts avaient été rappelés en septembre 2023 par la Cour de cassation sur ces points : Cass. com., 20 sept. 2023, nº 21-10.763, B ; voir Prescription douanière trentenaire : pas besoin d’une décision de poursuite ou de condamnation, Actualités du droit, 27 sept. 2023).
 
Sur ce sujet, voir 1406 Prescription de la dette douanière dans le CDU dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Point de départ du délai de reprise et demande de remboursement
 
L’article 354 du Code des douanes dispose que le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant un délai de trois ans, à compter du fait générateur, et que la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal de douane. À propos de TICC, la Douane a exercé son droit de reprise en notifiant à un opérateur son procès-verbal de constat par lequel elle a relevé une infraction douanière et prononcé à l'encontre de la société une contravention de deuxième classe le 10 décembre 2019 avant de lui notifier un avis de mise au recouvrement le 8 janvier 2020, alors qu’une direction régionale des douanes avait dans un premier temps, le 28 juin 2018, procédé au remboursement de la TICC acquittée au titre de l'année 2014 à la suite d’une demande de remboursement de l’opérateur le 10 avril 2018. Pour le juge, « le fait générateur de l'exercice du droit de reprise ne correspond pas à l'exigibilité de la taxe en 2014 mais à la caractérisation d'un remboursement indu par l'administration qui l'amène à exercer son droit de reprise » et « le point de départ du délai de prescription du droit de reprise correspond donc à la demande de remboursement » formée par l’opérateur le 10 avril 2018 qui a conduit au remboursement du 28 juin 2018 considéré comme indu par la Douane. Moins de trois ans s’étant écoulés entre la demande de remboursement et l'exercice du droit de reprise, l'exception tirée de la prescription invoquée par l’opérateur est rejetée (CA Amiens, 22 févr. 2024, nº 22/04030, Tereos France c/ Direction régionale des douanes et droits indirects et a.).
 
Sur ce sujet, voir 1407 Prescription de la dette douanière dans le Code des douanes national dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Commissionnaire en douane et non-respect des délais de paiement : intragroupe et proportionnalité
 
Jugé à propos d’une amende infligée à une société en application de l’article L. 441-16 du Code de commerce pour dépassement du délai de paiement de 30 jours de l'article L. 441-11 du même code (qui concerne les commissionnaires en douane devenus les représentants en douane enregistrés) que « le non-respect de la réglementation des délais de paiement est punissable même si l'infraction a été commise au sein d'un même groupe de sociétés », mais que le montant de l’amende est en l’espèce excessif « eu égard à la différence entre le gain annuel en besoin de fonds de roulement que la société a dégagé en raison de ses retards de paiement et le montant de l'amende en cause » (TA La Guadeloupe, 2e ch., 21 févr. 2024, nº 2200281).
 
Sur ce sujet, voir 264 Rémunération du commissionnaire en douane/RDE dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
 
Amende douanière et organisation d’insolvabilité : action paulienne et article 382 du Code des douanes
 
À propos d’une personne physique condamnée au paiement d’une amende douanière qui organise son insolvabilité en transférant des sommes de son compte bancaire sur celui de sa concubine (celle-ci ayant en substance conscience de la créance et de la volonté d’échapper au paiement) au titre de charge du ménage ou d’une obligation alimentaire concernant leur enfant, le juge retient que la Douane ici créancière :
  • peut mettre en œuvre l’action paulienne de l’article 1167 du Code civil et attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de ses droits (le juge en rappelle les conditions : «  L'exercice de cette action suppose l'existence d'une créance certaine dans son principe, ainsi que celle d'un acte d'appauvrissement du débiteur, ayant pour conséquence de créer ou aggraver son insolvabilité, et enfin, celle de la fraude, avec la conscience du débiteur de nuire à son créancier ») ;
  • et qu’elle peut se prévaloir du 6° de l'article 382 du Code des douanes qui dispose qu'en cas de condamnation à une pénalité pécuniaire prévue à ce code, lorsque l'administration dispose d'éléments permettant de présumer que le condamné a organisé son insolvabilité, elle peut demander au juge de condamner à la solidarité de paiement des sommes dues les personnes qui auront participé à l'organisation de cette insolvabilité (notons que cette disposition ne distingue pas entre personnes physique ou morale).
En l’espèce, le juge retient que la fraude paulienne et les conditions d'application du 6° de l’article 382 sont établies, les virements litigieux devant donc être déclarés inopposables à la Douane (CA Aix-en-Provence, 15 févr. 2024, nº 20/00558, X c/ Administration des douanes et droits indirects).
 
Sur ce sujet, voir 1639 Amendes douanières dans Le Lamy transport, tome 2.
 
Source : Actualités du droit