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La rémunération d’un dirigeant par une société tierce ne constitue pas nécessairement un acte anormal de gestion

Affaires - Fiscalité des entreprises
03/11/2023
La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues dans la seconde société ne constitue pas une gestion commerciale anormale si cette dernière démontre que les honoraires correspondant à ces prestations trouvent une contrepartie dans le fait que ses organes sociaux ont délibérément choisi de rémunérer indirectement le dirigeant, précise le Conseil d’État dans un arrêt du 4 octobre 2023.
Pour mémoire, il résulte de la combinaison des articles 38 et 209 du CGI que le bénéfice imposable à l’impôt sur les sociétés est le bénéfice net résultant des opérations de toute nature faites par l’entreprise à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale de l’entreprise.
Ainsi, lorsqu’une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt, cela constitue un acte anormal de gestion. Il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve d’un acte anormal de gestion.

En l’espèce, la société A a déduit des honoraires versés à la société B à raison des prestations de management réalisées par un dirigeant commun, exerçant respectivement les fonctions de gérant de la société A et de co-gérant de la société B.

À la suite d’une vérification de comptabilité de la société A, l’administration fiscale a remis en cause cette déduction, considérant que le versement de ces honoraires relevait d'une gestion anormale de la société.
Le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de la société vérifiée tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur les sociétés issus de la rectification. La cour administrative d’appel de Marseille a en revanche annulé ce jugement.

En effet, la cour a, dans un premier temps, relevé que les prestations réalisées par la société B (prestataire) « relevaient non de fonctions techniques spécifiques mais des fonctions inhérentes à celles d'un gérant de société à responsabilité limitée » et qu'ainsi, la société B (prestataire) n'avait fourni aucune prestation de service distincte des activités que le gérant devait déployer dans le cadre normal de ses fonctions de gérant de la société A (donneur d’ordre). Elle a, dans un second temps, jugé « qu'alors que cette société avait pris la décision de ne pas rémunérer son gérant et que cette décision de gestion lui était opposable, l'administration fiscale établissait que les charges comptabilisées au titre des prestations en cause devaient être regardées comme constituant un acte anormal de gestion ».

Dans un arrêt du 4 octobre 2023, le Conseil d’État précise que la conclusion d’une convention de prestations de services entre deux sociétés dans le cadre de la réalisation, par le dirigeant de la première société, de missions relevant de fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues dans la seconde société « ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette dernière établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie ». Il précise en effet que le choix d'un mode de rémunération indirect ne caractérise pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à l’intérêt de la société.

Le Conseil d’État ajoute que le fait qu’une société ne verse pas de rémunération à son dirigeant au cours d’un exercice, ne constitue pas une décision de gestion qui fait obstacle à ce que, sur décision des organes sociaux compétents, le dirigeant soit rémunéré au cours d’un exercice postérieur, à titre rétroactif, ou bien au cours du même exercice par l’intermédiaire d’une autre société.

Par suite, la décision de la société de ne pas verser une rémunération directe à son gérant ne fait pas obstacle à ce qu’elle décide, en concluant une convention de prestations de services, de verser une rémunération indirecte à son gérant en contrepartie de l’exercice de ses fonctions et à ce que, par conséquent, le règlement des honoraires en litige ait pu, en l'absence de tout appauvrissement à des fins étrangères à l'intérêt de la société, relever d’une gestion commerciale normale de cette dernière.

L’arrêt de la cour administrative d’appel est annulé et l’affaire lui est renvoyée.
Source : Actualités du droit