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Prescription de la dette douanière de l’importateur : interruption par un PV à son seul représentant

Transport - Douane
06/05/2022
Un procès-verbal notifié seulement au représentant en douane, et donc pas à son client mandant importateur, a un effet interruptif sur la prescription de la dette douanière à l’égard de ce dernier, selon un arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 mars 2022.
À propos des marchandises qu’il a importées, un opérateur se voit, à la suite d’un contrôle de la Douane, réclamer par celle-ci un montant supplémentaire de droit de douane au motif que le classement tarifaire retenu par lui n’est pas correct. L’importateur contestant le dette invoque notamment qu'elle est prescrite en ce qui le concerne : selon cet opérateur en effet, s’agissant de la dette, un procès-verbal de la Douane a été notifié seulement à son représentant en douane, ce qui n’interrompt pas la prescription à son égard.

En revanche, pour le juge, qui se fonde sur l’article 354 du Code des douanes qui dispose que la prescription est interrompue par la notification d'un procès-verbal, un opérateur peut se voir opposer l’interruption de la prescription de la dette par un PV qui a été notifié non pas à lui mais à son mandataire-déclarant (en l’espèce en représentation directe) : le mandat donné à son mandataire lui conférait le pouvoir de représenter l’opérateur, à charge pour son déclarant de lui rendre compte.
 
Observations
Sur ce point, un court rappel de décisions récentes : en 2020, la cour d'appel de Riom a retenu comme une « évidence » que la notification d'un procès-verbal par la Douane au débiteur principal, l'importateur en l'espèce, n'a pas un effet interruptif de prescription de la dette douanière à l'égard de toutes les parties, et donc pas en l'espèce à l'égard de son commissionnaire en douane codébiteur de cette dette : il n'est pas possible d'« opposer à une partie des événements et causes d'interruption qui intéressent uniquement une autre partie » et l'argument de la Douane « pris du caractère "commun" de la dette douanière, outre qu'il n'est pas clairement expliqué et ne résulte que de la propre affirmation de l'administration des douanes, ne vise qu'à soutenir de manière artificielle et sans démonstration pertinente une interruption qui manifestement fait défaut » (CA Riom, 24 nov. 2020, no 19/01311, Administration des douanes c/ Sagem Défense Sécurité et a.). Toutefois, en 2021, la Cour de cassation adopte une solution contraire en se fondant sur l'ex-article 213 du CDC alors applicable (« Lorsqu'il y a plusieurs débiteurs pour une même dette douanière, ils sont tenus au paiement de cette dette à titre solidaire ») et sur l'article 354 précité pour décider que la prescription est interrompue, à l'égard de tous les débiteurs d'une dette douanière, par la notification d'un procès-verbal de douane à l'un quelconque de ceux-ci (Cass. com., 23 juin 2021, no 19-10.019). 
Remarquons encore qu’en 2016, s’agissant de l’interruption de la prescription des infractions douanières, la cour d’appel de Paris avait retenu que, « à la lettre même de ces dernières dispositions [Ndlr : art. 354 précité], l'effet interruptif de la prescription résulte non du seul établissement d'un procès-verbal, mais de sa notification à la personne en cause ». Or, dans cette affaire-ci, des PV ont été notifiés aux déclarants et représentants de l'importateur mais pas à celui-ci directement : la Douane estime que ces procès-verbaux ont malgré tout un effet interruptif de la prescription à l'égard de l'importateur, puisque les personnes auxquelles ils ont été notifiés représentent l'importateur ; l'administration se fonde sur la représentation ici directe où le représentant agit au nom et pour le compte de la personne représentée. En revanche, pour la cour d’appel de Paris, cette représentation directe n'est instituée que « pour l'accomplissement des actes et formalités prévus par la réglementation douanière » : si elle permet au représentant d'effectuer les actes et formalités incombant à la personne représentée, au nom et pour le compte de laquelle il agit, elle ne s'applique toutefois pas à l'accomplissement par l'administration des actes lui incombant. Par conséquent, le fait que l'importateur ait été représenté par les sociétés à l'encontre desquelles ont été établis des procès-verbaux ne peut être considéré comme satisfaisant à la condition posée par l'article 354 « qui n'attache d'effet interruptif de la prescription qu'à la notification d'un procès-verbal à la personne en cause » (CA Paris, 18 oct. 2016, no 15/20134, Administration des douanes (DNRED) c/ DPH Lingerie).
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2, no 1391. La décision ici exposée est déjà intégrée notamment à ce numéro dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline.
 
Source : Actualités du droit