<< Retour aux articles
Image

ALE UE-Vietnam : opportunités et conseils

Transport - Douane
09/04/2021
Un webinaire a été consacré à l’accord UE-Vietnam le 8 avril 2021 par la Douane : au bilan de cet événement, des chiffres, des opportunités – notamment pour la France – et des conseils.
Après un premier webinaire dédié au bilan des trois ans du CETA, l’accord entre l’UE et le Canada (voir notre actualité), la Douane a organisé le 8 avril 2021 une autre conférence en ligne sur l’accord UE-Vietnam lors du 2e volet des rencontres internationales 2021 consacré à la zone Asie.
 
Données économiques, aspects de l’accord et suivi de son application
 
Chef du bureau des règles internationales du commerce et de l’investissement à la Direction Générale du Trésor, Jonathan Gindt, qui traite notamment du suivi des questions d’accès aux marchés, expose les chiffres de la relation UE-Vietnam, présente le contenu de l’accord entré en vigueur le 1er aout 2020 et liste les moyens d'en surveiller la mise en œuvre correcte.
 
Données chiffrées
 
En 2019, les échanges commerciaux France-Vietnam représentent 7,3 milliards d’euros, mais le déficit commercial pour la France est de 4 milliards. Dans cette relation, la part française « n’est pas bonne » selon Jonathan Gindt, qui ajoute dans une perspective optimiste que « la marge de progression est significative » et que l’accord conclu devrait permettre d’y parvenir.
 
Le Vietnam est le 17e partenaire mondial de l’UE pour le commerce de marchandises et le 2e partenaire de l’Asie du sud-Est (après Singapour) et représente pour l’UE son 31e marché à l’export avec 0,5 % des exportations globales de l’UE. En 2019, pour le Vietnam, l’Union européenne est son 4e partenaire commercial (après la Chine, la Corée du Sud, les USA), son second marché à l’export (15,3 % des exportations globales du Vietnam, après les États-Unis) et son 4e fournisseur (6 % des importations globales du Vietnam après la Chine, la Corée du Sud et le Japon). L’UE affiche une balance « défavorable » de -23.3 milliards d’euros pour le commerce des marchandises en 2019.
 
Suppression des droits de douane dans l’accord
 
L’accord vise à la suppression de 99 % des droits de douane sur une période de 10 ans pour tenir compte de la situation économique du Vietnam. En effet, s’agissant d’une relation conclue avec un « pays en développement », elle impliquait une manière particulière de concevoir l’accord en tenant compte de sa situation économique notamment avec un calendrier de démantèlement tarifaire. Ce dernier constitue bien sûr une source pour bâtir une stratégie à l’export.
 
Toutes les exportations de textiles de l’UE sont exemptées de droit de douane, environ 50 % des exportations pharmaceutiques de l’UE le sont aussi (le reste étant progressivement supprimé au cours des sept prochaines années), tout comme près de 70 % des produits chimiques de l’UE (le reste étant réduit après 3, 5 et 7 ans). Les vins et spiritueux seront exemptés de droits après 7 ans, et la bière après 10 ans. Le secteur agroalimentaire de l’UE bénéficiera aussi de la suppression progressive des droits de douane et fait partie des secteurs qui connaitraient une hausse importante des exportations à l’horizon 2035, tout comme les produits chimiques, les équipements de transport ou encore le textile. Dans l’autre sens, une hausse sensible des exportations vietnamiennes vers l’UE est prévue pour les produits agroalimentaires également.
 
Élimination de barrières non tarifaires avec l’accord
 
L’accord prévoit aussi une réduction des obstacles réglementaires au commerce, ce qui est selon Jonathan Gindt « aussi important » que l’aspect tarifaire ci-dessus. On vise à supprimer des « éléments bureaucratiques », via notamment l’engagement pris par le Vietnam de simplifier et rendre plus transparentes les procédures administratives relatives à l’accès au marché, l’ouverture des marchés publics, la reconnaissance par le Vietnam des normes internationales (ISO, CEI, IUT) ou du codex Alimentarus, ou la reconnaissance par le Vietnam de l’UE comme entité unique dans les domaines sanitaire et phytosanitaire.
 
Contrôle de la mise en œuvre d’un « accord vivant de nouvelle génération »
 
Il faut « faire vivre l’accord », selon Jonathan Gindt, se saisir des instances de gouvernance dans l’hypothèse de problèmes lors de sa mise en œuvre et les faire remonter par les différents canaux ci-dessus :
  • le comité du commerce, des comités spécialisés et des groupes de travail (ils sont responsables du bon suivi de l’accord commercial et vont permettre de résoudre les disputes liées à sa mise en œuvre) ;
  • le comité de commerce, co-présidé par le ministre du commerce et d’industrie du Vietnam et le commissaire européen, qui se réunit chaque année ;
  • le service économique de l’ambassade de France ;
  • la délégation européenne à Hanoi ;
  • EuroCham et la VCCI (Vietnam Chamber of commerce and industry) qui ont établi un conseil d’affaire conjoint pour contrôler la mise en œuvre et assurer le bon suivi de l’accord.
Bien sûr, en cas d’échec de ces instances, une phase contentieuse est possible avec un système de règlement des différends de nouvelle génération prévoyant une consultation, une médiation et une procédure d’arbitrage.
 
Le Vietnam, un marché « prometteur »
 
Anhsonvu Moit, le chef du service commercial de l’ambassade du Vietnam en France, rappelle la relation historique entre la France et le Vietnam et la situation géographique centrale de ce dernier dans la région Asie. Le Vietnam a noué des accords de libre-échange avec de nombreux pays (sauf les USA) et constitue une « porte d’entrée » sur ladite région. C’est de plus un partenaire sérieux et prometteur au sein de la RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership), ce partenariat régional économique global qui constitue la plus grosse zone de libre-échange au monde réunissant quinze pays de l’océan pacifique. Anhsonvu Moit souligne notamment le potentiel français en termes d’exportation vers le Vietnam (s’agissant par exemple des produits pharmaceutiques, des pommes fraiches ou des fromages) et ajoute que des rencontres entre les opérateurs et son service à l’ambassade peuvent être organisées (tout comme avec le Ministère du commerce et de l’industrie). Enfin, il conseille aux exportateurs français d’aborder la relation commerciale avec leurs partenaires dans un état d’esprit leur assurant d’être « flexibles et de s’adapter au marché ».
 
Pascal Perrochon, responsable des affaires Internationales de France-Chimie, confirme pour ce secteur l’aspect prometteur du Vietnam et souligne un bond des exportations françaises de 10,2 % entre 2019 et 2020, vraisemblablement aussi grâce à l’entrée en vigueur de l’accord. Des exonérations existaient avant l’accord, mais il restait toutefois des pics tarifaires qui sont progressivement démantelés (il cite le cas de l’aspartam soumis à des droits de 10 % avant l’accord, de 6,6 % actuellement et exempté en 2025). S’agissant de la RCEP, elle pourrait certes être un frein aux importations des pays qui n’en font pas partie, mais Pascal Perrochon estime lui aussi que le Vietnam pourrait être « un point d’entrée pour rayonner » dans cette zone.
 
Règles d’origine de l’accord
 
Karine Boris-Treille, adjointe au chef de bureau de la politique tarifaire et commerciale (Comint3) à la DGDDI), détaille l’enjeu des règles d’origine de l’accord UE-Vietnam, « l’accord le plus ambitieux conclu avec un pays en développement ». Comme pour n’importe quel accord, il faut déjà se demander s’il présente un intérêt au regard de la marchandise concernée : en effet, certains produits peuvent ne pas être soumis à des droits de douane et une consultation du site Acces2markets de la Commission peut se révéler utile sur ce point. Les opérateurs doivent donc vérifier les contraintes, le coût, les intérêts pour eux de recourir à l’accord. Si tel est bien le cas, une méthode en trois étapes (qui concerne aussi les autres accords) doit être appliquée :
  • s’assurer que le produit est bien originaire au sens du protocole dédié de l’accord ;
  • solliciter la préférence tarifaire ;
  • et justifier que le produit est bien originaire.
Sur tous ces points qui sont exposés dans le détail, nous renvoyons à la page dédiée du site de la Douane.
 
Sur l’enjeu de l’origine préférentielle (OP) dans l’accord, Géraldine Jarlegant, directrice douane et réglementation du commerce extérieur chez Chanel, souligne la nécessité de la maîtrise de l’information (sourcing) et des documents nécessaires notamment à la preuve (comme par exemple les déclarations à long terme du fournisseur, DLT). Elle rappelle également l’utilité de conseils à prendre auprès de la Douane ou de consultants.
 
Karine Boris-Treille liste enfin également les entités de la Douane pouvant accompagner les opérateurs : les cellules conseils aux entreprises (CCE), les bureaux de douane, le Service Grands Comptes ou encore le bureau Comint3 de la DGDDI.
 
Des règles pour l’exportation de l’UE vers le Vietnam
 
Alexandra-Catherine Denard, responsable d’étude réglementaire au service réglementations internationales de Business France, rappelle certaines des questions à se poser avant de prospecter un marché à l’étranger et les applique à l’importation de marchandises au Vietnam.
 
Le produit est-il autorisé à l’importation ? Le marché vietnamien est « ouvert » selon Alexandra-Catherine Denard, mais peut connaître des cas de fermeture (par exemple dans l’hypothèse de crise sanitaire) et une consultation du site Exp@don peut être utile sur ce point.
 
Quelles sont les formalités à connaître avant d’exporter ? L’importateur vietnamien doit disposer d’une licence et un enregistrement préalable pour certains produits (par exemple alimentaires) doit être réalisé. Une autoévaluation de la conformité (product self declaration) doit aussi être effectuée pour certains produits (s’agissant par exemple d’aliments préemballés). Enfin, une inspection à l’arrivée des marchandises est possible.
 
Quels sont les documents nécessaires pour un bon déroulement du dédouanement ? Une facture commerciale, une liste de colisage, des certifications d’importation pour certaines marchandises, les documents usuels de transport et d’assurance, des preuves de l’origine et, selon les cas, des certificats d’analyse, des certificats sanitaire ou phytosanitaire, des permis CITES, etc.
 
Le produit est-il conforme aux règles et normes locales ? Au Vietnam, il existe notamment des règles particulières concernant l’étiquetage (des informations en langue vietnamienne et des éléments particuliers selon les produits sont à mentionner). Des normes spécifiques sont aussi à respecter, par exemple pour les additifs alimentaires ou les pesticides. Pour ces raisons, l’importateur a un rôle essentiel dans la mise en conformité des produits et collabore étroitement avec l’exportateur.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 340-85. Des éléments du webinaire ici présenté sont intégrés à ce numéro dans la version en ligne de l’ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit