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Maintien fautif par la Douane d’une dispense de cautionnement de la TVA à l’importation d’un commissionnaire en douane : effet sur la dette de l’importateur !

Transport - Douane
25/03/2021
Même si l’article 114 du Code des douanes prévoit une faculté pour l’administration d’exiger une caution, lorsque la Douane connait la situation financière dégradée d’un commissionnaire en douane agréé, mais maintient une dispense de cautionnement de TVA, elle commet une faute qui cause un préjudice à l’importateur à qui l’on réclame la dette qu’il a réglée à son commissionnaire qui lui ne l’a pas reversée à l’administration ; et cette faute est réparée par des dommages et intérêts à hauteur de cette dette, selon un arrêt de la cour d’appel de Rouen du 11 mars 2021.
Un opérateur procède à des importations et charge un commissionnaire de transport de l’acheminement et un commissionnaire en douane agréé de l'accomplissement des formalités douanières. Ce dernier souscrit les déclarations sous le régime de la représentation directe. Le commissionnaire de transport adresse une facture pour la TVA à l’importation et les droits de douane à l’importateur qui les lui règle le 17 mars 2015. Le commissionnaire de transport verse le 2 avril 2015 les sommes au commissionnaire en douane, qui ne l’acquitte pas auprès de l’administration. Par jugement du 14 avril 2015, le tribunal de commerce ouvre une procédure de redressement judiciaire à l'égard du commissionnaire en douane, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 26 mai 2015. Enfin, la Douane adresse le 20 juillet 2015 un avis de mise en recouvrement (AMR) à l’importateur personne désignée comme destinataire réel des biens sur les déclarations en douane au titre de la TVA impayée. Après rejet de sa contestation contre l’AMR, l’importateur saisit le juge.
 
L’importateur se trouve dans une situation identique à celle d’un autre importateur dans la décision rendue le 11 mars 2021 par la cour d’appel de Rouen et il s’agit d’ailleurs du même commissionnaire en douane (voir notre actualité). Toutefois, dans l’affaire ici rapportée, l’importateur avance que la Douane a commis « des fautes dans la surveillance » du commissionnaire qui sont à l'origine de la créance de TVA qu'elle lui réclame. Et notamment dans le cadre de l’article 114 du Code des douanes, l’importateur reproche en substance à cette administration d’avoir maintenu une dispense de cautionnement au profit du commissionnaire en douane, alors que, connaissant la situation financière dégradée de ce dernier bien en amont de la procédure de redressement, elle aurait dû exiger une caution. Au contraire, la Douane estime qu'elle n'a commis aucune faute en maintenant la dispense de cautionnement de TVA et que sa responsabilité n’est donc pas engagée sur ce point.
 
Rappel du texte
 
Selon le 1 bis de l’article 114 du Code des douanes, les redevables de la TVA et des taxes assimilées sont dispensés de fournir une soumission cautionnée pour l'enlèvement des marchandises au fur et à mesure des vérifications et avant acquittement de la taxe. En revanche, selon le 1 ter de ce même article, la présentation d'une caution « peut » toutefois être exigée par le comptable des douanes des personnes qui font l'objet d'une inscription non contestée du privilège du Trésor ou de la sécurité sociale, ainsi que d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Sur ce texte, voir n° 1502 du Lamy transport, tome 2.
 
Cautionnement de la TVA : faculté ou obligation ?
 
L’importateur reproche à l’administration de ne pas avoir exigé une caution du commissionnaire en douane pour la TVA qu'il liquidait dans le cadre de son activité : ce commissionnaire aurait dû cesser de bénéficier d’une dispense de caution pour le report de paiement de la TVA (dont il a pourtant bénéficié jusqu'à à la date de l’ouverture de la procédure collective) en raison de son insolvabilité avérée et connue de longue date par la Douane qui avait donc l’obligation d’exiger cette caution.
 
L’administration ne conteste pas que l'état des inscriptions des privilèges publié au greffe du tribunal de commerce révèle un privilège des douanes pour sûreté inscrit le 11 octobre 2013 par le receveur régional des douanes. Mais la Douane, se fondant sur une interprétation littérale, soutient que le 1 ter de l'article 114 ne lui fait pas obligation d'exiger la présentation d'une caution : il ne s’agit que d’une faculté ouverte au comptable des douanes. Elle ajoute que l'inscription de privilège précitée résulte d'une créance contestée qui a été cautionnée – un avis de mise en recouvrement visait une infraction de fausse déclaration dans la valeur des marchandises et dans la désignation de leur destinataire réel – et ne relève donc pas d'une difficulté financière ou d'un retard de paiement de du commissionnaire.
 
Cautionnement facultatif… sauf faute de la Douane !
 
Pour la cour d’appel, même si le 1 ter de l'article 114 « ne fait pas obligation à l'administration des douanes d'exiger un cautionnement pour la TVA liquidée, il lui confère cependant une prérogative qu'elle ne peut refuser d'utiliser qu'à condition de le faire sans commettre de faute engageant sa responsabilité ».
 
Situation financière dégradée
 
Au 11 octobre 2013, date d'inscription du privilège, la Douane avait connaissance des multiples manquements comptables et financiers du commissionnaire et elle lui avait refusé une exonération du cautionnement de transit communautaire pour cette raison. Le juge reprend également à l’identique les arguments qu’il a retenus dans sa décision précitée pour démontrer que la Douane avait connaissance dès juillet et septembre 2013 de la situation financière dégradée du commissionnaire qui l'amenait à décaler systématiquement le paiement de la TVA qui lui était adressée par ses clients, culminant à un arriéré de près de 4 M€.
 
Inscription du privilège
 
La Douane ne peut s'exonérer en affirmant que l'inscription du privilège ne relevait que d'une fausse déclaration, alors, selon le juge, que cette circonstance « ajoutait encore aux errements de l'activité » du commissionnaire et que la faculté d'exiger une caution est prévue par l'article 114 lorsqu'il existe une inscription de privilège non contestée, « la contestation de la créance elle-même étant indifférente à l'application de cette disposition ».
 
Facilitation du maintien de l’activité d'un opérateur insolvable
 
Aussi, « en maintenant une dispense de cautionnement de la TVA dans ces circonstances et en dépit de l'inscription d'un privilège, l'administration a facilité le maintien d'activité d'un opérateur progressivement devenu insolvable et permis à celui-ci de causer le préjudice de [l’importateur] », c’est-à-dire le paiement au commissionnaire qui a été absorbé par les pertes de ce dernier. Ayant ainsi commis une faute, la Douane est tenue de la réparer par des dommages-intérêts à hauteur de la dette qu’elle réclame à l’importateur, qui par l’effet de la compensation n’a donc pas à la régler.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy guide des procédures douanières, n° 210-8, et dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1579. La décision ici présentée est intégrée notamment à ces numéros dans la version en ligne des ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit