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Maitrise du risque et compliance au Symposium Douane de Class Export

Transport - Douane
03/02/2023
La refonte à venir de l’article 60 relatif au contrôle douanier et des solutions et outils pour maitriser certains risques douaniers étaient notamment au programme de l’après-midi du symposium de Class Export qui s’est tenu le 2 février 2023.
Compliance aussi pour le Code des douanes : quel avenir pour l’article 60 ?
 
Pour mémoire, déclaré contraire à la constitution et considéré comme abrogé s’il n’est pas modifié avant septembre 2023 (voir « Droit de visite de l’article 60 du Code des douanes : inconstitutionnel », Actualités du droit, 23 sept. 2022), l’article 60 du Code de douanes fait l’objet d’une réécriture par la Douane qui ne peut se passer de cette « base de la base des contrôles douaniers », selon l’expression d’Alain Lefebvre, le responsable du Bureau JCF1 (Affaires juridiques et contentieuses) à la DGDDI. En effet, cet article qui tient actuellement en 2 lignes comporte 3 dimensions puisqu’il permet :
  • les contrôles à la circulation connus du « commun des mortels » comme ceux opérés par exemple sur la route ou à la descente d’avion ;
  • mais aussi et surtout, pour les opérateurs du commerce international, le contrôle des marchandises déclarées à la Douane, des moyens de transport et des personnes ;
  • et enfin la lutte contre la fraude et la criminalité organisée.
 
Cet article, qui résume donc l’ensemble des périmètres des contrôles de la Douane (et justifie même celui avant dédouanement), a été « fondamentalement percuté » par le Conseil constitutionnel. Certes, ce dernier reconnait dans sa décision du 22 septembre 2022 que les objectifs de ce texte – qui remonterait à 1948 – sont légitimes, mais souhaite un équilibre avec les droits et libertés individuelles. Et il n’accepte manifestement pas que des notes internes à l’administration prévoient ses conditions d’exercice alors qu’il faudrait que les garanties encadrant ce droit de contrôle soient fixées par le législateur.
 
Aussi, la Douane prépare une nouvelle version, manifestement très détaillée, de l’article 60 qui prendra en compte la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (et, selon nous, sûrement aussi celle de la Cour de cassation) et le droit d’être entendu (DEE). Cette version à venir inclura(it) les installations temporaires de stockage (IST), les régimes particuliers, les transferts entre eux, le transit, etc., donc tant les opérations commerciales internationales que la lutte contre les stupéfiants. La future mouture de l’article 60 précisera(it) aussi les circonstances, les visites, les temps de contrôle, et distinguerait également entre personnes et marchandises, etc.
 
Bref, pour aboutir à une nouvelle version d’ici le 31 août 2023 (l’abrogation étant fixée par le Conseil constitutionnel au 1er septembre à défaut de modification), il ne reste plus à la Douane qu’à trouver un vecteur législatif nouveau : pour mémoire, celui de la loi de finances pour 2023 a été écarté par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier budgétaire. La Douane a d’ailleurs précisé qu’elle ne reprendrait pas dans sa rédaction, comme elle l’a tenté via cette LF précitée, la possibilité d’une demande d’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour modifier l’article 60.
 
Enfin et sans surprise, d’ici le 31 août prochain, les contrôles douaniers sur la base de l’article 60 ancienne version demeurent bien évidemment possibles, ce que confirme Alain Lefebvre.
 
Contrôles douaniers
Selon Thérèse-Anne Amy (Cabinet Arcade Avocat), qui fait aussi une présentation interactive du contrôle douanier, le schéma général de celui-ci, qu’elle a présenté synthétiquement dans un logigramme qui sera prochainement diffusé sur son site, ne serait pas remis en cause par la version à venir de l’article 60.
 
Exemple de « Programme de conformité douanier » en entreprise
 
Marc Tertrais, le président du cercle Collin de Sussy, expose sa vision de la compliance douanière en entreprise en regrettant, en préambule, l’absence de stratégie ou de maturité douanière chez les opérateurs en général, même des exceptions existent bien sûr. Il rappelle dans le CDU (art. 5, 46 et 128) la nouvelle notion de risque douanier qui vise notamment la sécurité ou la sûreté et les intérêts financiers de l’Union et l’enjeu pour les opérateurs qui doivent donc maitriser les environnements fiscaux et douaniers. Son lui, l’équation de la conformité douanière se présenterait comme suit : sécurisation des flux + gains potentiels = bonne gouvernance douanière. Et, pour la réussite de cette équation, il identifie 4 piliers :
  • l’enjeu juridique : la maitrise des deux codes, celui de l’UE et le code national ;
  • l’enjeu économique, avec l’utilisation des régimes et procédures douaniers, pour une profitabilité de l’entreprise ;
  • l’enjeu logistique et sécuritaire (dans cette dernière, il n’oublie pas la sécurisation contractuelle entre les opérateurs) ;
  • l’enjeu financier, s’agissant des droits et taxes, qui implique par exemple la maitrise du triptyque espèce, origine et valeur.
 
Pour la maîtrise de ces piliers/enjeux, deux mots clefs : l’anticipation et la prévision. Et s’ajoutent aussi des éléments indispensables comme notamment l’identification et l’évaluation des risques (par des audits internes et/ou externes), la mobilisation des compétences (par la formation) et la sensibilisation à la chose douanière au plus haute niveau de l’entreprise, l’optimisation de la fonction douane (les responsables devant se former, s’informer, échanger sur les « best practices », etc.) et sa visibilité dans l’entreprise, ou encore la contractualisation des process.
 
Import-export : un angle fiscal
 
Laurence Berrutto, de Valoris Avocats, mentionne notamment que, si la mise en place de l’autoliquidation de la TVA à l’importation devrait limiter le risque en matière de déduction de TVA import, les documents justificatifs doivent toujours être collectés, que l’adhésion au service en ligne « Données ATVAI » est recommandée pour suivre le détail des déclarations pris en compte et analyser les écarts potentiels avec les données internes à l’entreprise et que les importations en régime 42 et sous AI2 doivent toujours faire l’objet d’une vigilance particulière et être reportées, pour l’instant, manuellement dans les déclarations de chiffre d’affaires.
 
À l’exportation cette fois, l’avocate indique qu’il y a assez peu de changement, s’agissant des preuves alternatives à l’export de l’article 74 de l’annexe III du CGI qui demeurent : la déclaration d’importation dans le pays d’arrivée ; tout document de transport des biens hors du territoire douanier de l’UE, ou tout document relatif au chargement du moyen de transport quittant l’UE ; un document douanier de surveillance pour les biens soumis à des régimes particuliers ; un document d’accompagnement pour un produit soumis à accises. Il faut notamment, selon elle, produire le premier document cité, mais surtout « en pratique » présenter les documents de transport et aussi plusieurs types de documents, pour lesquels l’opérateur doit s’assurer de la cohérence des informations qu’ils contiennent avec les mentions de la facture.
 
Valeur en douane : futur RCV et solutions actuelles
 
Arnaud Bettochi, le chef de la section politique tarifaire à la DGDDI, fait un point sur la valeur en douane en rappelant ses enjeux (ils servent notamment d’assiette aux droits de douane, même si ceux-ci font l’objet de démantèlement, aux doits anti dumping ou à l’octroi de mer) et les difficultés de cette évaluation. Sans surprise, il évoque des solutions que propose déjà la Douane aux opérateurs pour remédier à cette difficulté. Il commence par l’avis sur la valeur en douane, l’AVD (dont la demande est simple en pratique, selon lui) et son futur remplaçant, le renseignement contraignant sur la valeur (sur ce RCV, voir « Accompagnement des opérateurs par la Douane : du neuf, des chiffres et des témoignages », Actualités du droit, 14 avr. 2022).
 
Sur ce futur RCV, il indique notamment qu’il a pris du retard et serait prévu pour 2027 (et non plus 2025) : le sujet n’est en effet pas si simple et un travail de rédaction est en cours à la Commission européenne. Il confirme aussi :
  • que sa validité serait de trois ans ;
  • que son périmètre serait la méthode d’évaluation et les éléments composant la valeur en douane ;
  • qu’il serait publié dans la base EBTI et Trader Portal de façon « anonymisée » ;
  • et qu’il serait opposable par son seul titulaire (à l’image de ce qui existe pour le RTC par exemple) ; il serait possible de s’inspirer de RCV existants, comme pour les RTC, mais il y aurait bien sûr un risque s’agissant de l’existence d’une différence minime dans les conditions d’établissement de la valeur entre la situation de l’opérateur et celle décrite dans le RCV dont il s’inspirerait.
 
Au titre des solutions pour la valeur, le douanier évoque/rappelle aussi les possibles recours :
  • à l’AVP, l’autorisation de valeur provisoire, qui est une déclinaison de la déclaration simplifiée (en deux temps, déclaration simplifiée, puis complémentaire) ;
  • et aux AJ, les autorisations d’ajustement, qui présentent l’intérêt d’éviter le deux temps de l’AVP, mais nécessitent des flux stables dans le temps et impliquent qu’une AVP imposerait un coût trop élevé ; la dématérialisation au 1er avril 2023 de la demande de l’autorisation d’AJ est d’ailleurs aussi rappelée (voir « Autorisation d'ajustement pour la valeur transactionnelle : nouveau support en avril 2023 » dans « Brèves douanières » au 6 janvier 2023, Actualités du droit, 6 janv. 2023) ainsi que son traitement entièrement en mode digital.
 
 
Source : Actualités du droit